Toute "situation sociale" peut être envisagée à partir de très nombreux angles. Vous ne pouvez *comprendre* une situation tout entière que comme une idée générale *naturellement* floue (sauf si vous appliquez le filtre d'une "idéologie" à votre observation. Et il est difficile de ne pas le faire, tant nous avons une tendance naturelle à penser le monde avant que de le vivre).
Dès que vous essayez de comprendre, de représenter cette "situation sociale," vous ne pouvez que tenter de "faire" un angle l'un après l'autre, au risque d'en oublier, d'en surévaluer... Lorsque vous en creusez un, vous passez *naturellement* à côté de tous les autres, ou alors il faut toujours tout se rappeler en parallèle en même temps, ce qui est impossible.
C'est là une caractéristique structurelle, "naturelle" de notre langage: une idée après l'autre.
S'ajoutent à cette limitation :
>>> Les "idéologies", qui font surévaluer/sousévaluer certains des angles
>>> Les spécialisations, en particulier scientifiques, qui font ressortir uniquement ce dont le spécialiste consulté est... le spécialiste! Prenons le cas, d'actualité, d'un acte dit terroriste. Vous pouvez ne demander son avis qu'à un policier ou un criminologue. Vous aurez un certain angle de vision de la chose. Vous pouvez demander son avis à un sociologue: un autre angle. A un géopoliticien: autre angle. A un psychologue, un psychanalyste, un habitué du bar d'en face. autant de points de vue, d'angles d'approche valables - celui du pilier de bar n'étant pas forcément plus stupide que celui les autres...
Voilà pour la compréhension. Il y a ensuite ce que l'on veut *faire* avec cette "situation sociale." Si l'on veut agir, il faut savoir que chacun des angles ne se traite pas de la même façon, avec des éléments temporels ou organisationnels différents. Ajouter quelques policiers en faction est plus facile à mettre en oeuvre que "l'éducation de la population" par exemple. A cette étape aussi peut s'imposer une "idéologie" qui va considérer que "pour résoudre tel problème, il ne peut y avoir que telle et telle solution".
Généralement, une telle approche "systémique" semble compliquée mais recèle des bases pratiques très efficaces. Et cela relativise les discours, en particulier médiatique et des réseaux "sociaux" qui simplifient/caricaturent la "réalité" (ce qui est à la fois *naturel* - surtout en 140 caractères - et orienté politiquement). Ce n'est pas tant que cette "réalité" soit complexe, mais plutôt que nous n'utilisons pas toujours de bons outils pour la comprendre/modifier... sans parler des paramètres pour lesquels nous n'avons aucun moyen d'intervention...
Il semble qu'on ne puisse que très difficilement se débarasser de toute "idéologie" (nos idées sur le monde, qui passent avant toute observation de la "réalité" de ce monde.) Dans l'intérêt de la raison, il me semble qu'il ne serait pas inutile d'essayer de réduire cet impact. Observer d'abord avec autant de neutralité que possible (l'objectivité n'existe probablement pas, mais on peut au moins essayer de s'en approcher) avant de juger.
Evidemment, toute idéologie absolutiste - qui simplifie par nature - est tellement plus simple: elle explique TOUT. C'est moins fatiguant. Un truc de feignasse, finalement. ;)